.
Apocalypse road
.
Bordée de peupliers offrant leur protection
contre un soleil d’été, qualifions le « de plomb ».
La voiture semble glisser sur l’asphalte dansant
de lumière animée par le monde respirant.
La douceur est réelle, bien loin de nos consciences.
Torpeur intellectuelle, léthargie de nos sens.
Confort traditionnel pour nos contemporains.
Perte de l’étincelle, ignorants du chemin.
Nous consommons l’instant sans plus de réflexion.
Sans plus de raisonnement, sûrs que nous avançons.
Les mains sur le volant, l’horizon s’assombrit.
Et giflés par le vent, les arbres poussent des cris.
La pluie s’abat enfin, sans trop nous faire frémir.
Un léger coup de frein et l’on peut recourir
au mécanique engin, au balai de survie.
Et demeurons sereins au péril de nos vies.
L’instinct anesthésié, se poursuit le périple.
Légèrement chahutés par des secousses multiples.
La voirie dégradée, jadis entretenue,
témoigne d’un proche passé aujourd’hui révolu.
Les routes semblent moins sûres, jonchées de baraquements,
de personnes sans chaussures, d’handicapés, d’enfants.
Humanité obscure, animal révélé.
Derrière nos fermetures dites « centralisées ».
Nous traversons ces plaines où la désolation
mériterait que l’on freine et nous accélérons.
En enfouissant nos peines, tentons la persuasion
d’une compassion vaine jusqu’à la déraison.
Alertés par un feu et contraints à l’arrêt.
Nous lisons dans les yeux de ces hommes en gilet,
réchauffés par les pneus, les palettes qui brûlent,
qu’ils ne veulent plus être gueux, numéros, matricules.
Que l’heure est désormais au partage des richesses.
Les pièces distribuées, comme mouchoirs pour tristesse,
ne suffisent pas. De fait la pauvreté prospère.
En allant travailler, la vie demeure précaire.
Soudain le cœur se serre. Frémissement de la vie.
L’envie d’être de cette guerre nous traverse l’esprit.
Des hordes militaires, milices de la France,
nous ramènent vite à terre, au pays des créances.
Le barrage levé, nous poursuivons la route.
Mais des « laisser-passer » s’invitent avec le doute.
La peur télévisée et sur toutes les ondes.
Couvre-feu du passé, une nouvelle ère gronde.
Dans une station-service, autrefois terre d’accueil,
les voitures se remplissent d’un liquide tape-à-l’œil.
Le prix du sacrifice pour nourrir des moteurs
qui nous servent de motrices pour aller au labeur.
Et pour collationner, sous plastique est la mie.
Des rayons clairsemés. S’installe la pénurie.
Un repas attablé pour manger sans manière
sera autorisé pour tout pass sanitaire.
Une dernière longueur avant l’arrêt final,
où s’installent les rancœurs, où se dessine le mal.
Conscients de nos erreurs, aliénés aux machines,
nous ressentons la peur qui fait frémir l’échine.
Les écarts qui se creusent font naître des oasis
qu’on imagine porteuses de trésors, de délices.
Par les vitres boueuses nous contemplons les restes.
Une impression honteuse d’avoir été la peste.
Les peuples se déciment pour pouvoir subsister.
Mortalité, famines et infécondité.
Les nouveaux dieux dominent. Néo-monde infertile.
Nous condamnant au crime de n’être qu’inutiles.
La machine et la science comme seule religion.
Le transfert des consciences aux processeurs légions.
Recevant la sentence, l’humanité s’éclipse.
Aucune repentance, route de l’apocalypse.
