DÉPÊCHE — Ce jour, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a déclaré recevable une requête déposée par 260 travailleurs du sexe qui demandent l’abrogation de la loi française de 2016 pénalisant les clients de prostitués. L’institution se prononcera sur le fond dans les mois à venir.
Depuis le mois d’avril 2016, la loi mentionnée interdit l’achat d’actes sexuels, tout en supprimant le délit de racolage passif. Les prostituées sont ainsi passées de délinquantes à victimes au regard du droit, la justice cherchant à se concentrer sur les tenanciers des réseaux de proxénétisme et sur les clients qui en favorisent l’existence. Une réforme sociétale qui représentait alors une “réelle avancée en matière de respect de la dignité des femmes et de lutte contre les violences”, mais qui ne satisfait pas tout le monde.
“Selon les requérants, qui exercent la prostitution de manière licite, l’incrimination des clients de la prostitution pousse les personnes prostituées à la clandestinité et à l’isolement, les expose à des risques accrus pour leur intégrité physique et leur vie et affecte leur liberté de définir les modalités de leur vie privée”, explique la CEDH.
Soutenus par une vingtaine d’associations, ces travailleurs du sexe estiment que la loi de 2016 viole les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Comme le rapporte l’AFP, tous leurs recours au niveau français ont été rejetés. Pour autant, “sans statuer sur le fond à ce stade, la Cour admet la recevabilité des requêtes après avoir reconnu que les requérants pouvaient se prétendre victimes (…). Cette décision ne préjuge pas du bien-fondé des requêtes sur lequel la Cour se prononcera dans un prochain arrêt”, note la CEDH.
Franchir l’écueil de la recevabilité est toutefois un premier pas important pour les requérants, car plus de 90 % des requêtes adressées à la CEDH sont déclarées irrecevables.
En avril 2022, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes se penchait sur le bilan de cette loi, déplorant que ses effets ne soient pas assez concluants. Par ailleurs, l’institution souligne que “le déplacement de millions de réfugiés en Ukraine et en Europe” augmente “les risques d’une hausse de trafic sexuel”, mais aussi que de nos jours, la prostitution s’est nettement déplacée sur Internet.