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La guerre de l’information des États-Unis et de leurs alliés contre la Russie – Tendances et caractéristiques principales

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Par Alexandre Kouznetsov – Traduction Raphaëlle Auclert 

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Alexandre Kouznetsov, PhD, né en 1970. Professeur à l’Ecole Supérieure d’Economie de Moscou, Département des Etudes régionales. Domaines de recherche : géopolitique, dynamiques de politique intérieure et élites politiques au Moyen Orient et en Asie centrale. Monographies publiées : Le chiisme d’Amir Al-Mouminine à l’Ayatollah Khomeini, Moscou : Editions du MGIMO, 2013. Les processus politiques au Liban au tournant du XXIeme siècle, Moscou : Institut du Moyen-Orient, 2017. Tensions entre chiites et sunnites dans le contexte géopolitique du Moyen-Orient, Moscou : Editions de l Université Dimitri Pojarski, 2020.

Le temps qui s’est écoulé depuis le début de l’opération militaire spéciale de la Fédération de Russie en Ukraine a démontré que le principal adversaire de la Russie n’était pas l’Ukraine, mais l’Occident collectif – les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN. Cette guerre a des caractéristiques hybrides et comprend plusieurs composantes. La part militaire consiste en la résistance féroce des forces armées ukrainiennes et des formations armées nazies à l’armée russe. A cela s’ajoute l’approvisionnement massif en armes des Etats-Unis et de ses alliés, destiné à prolonger au maximum le conflit et à rendre l’armée russe exsangue. La composante économique passe par l’imposition de sanctions sans précédent visant à détruire ou du moins à affaiblir considérablement l’économie russe, provoquant une baisse du niveau de vie des Russes et le mécontentement de la société russe. Enfin, la guerre de l’information vise à diaboliser la Russie, à la présenter comme un agresseur, un quasi empire nazi cherchant à subjuguer les peuples qui l’entourent. Le but est d’en faire un «État voyou», à l’instar de l’Irak de Saddam Hussein dans les années 1990 et de ce que les Américains tentent depuis quarante ans, sans grand succès il faut le reconnaître, avec la République islamique d’Iran. Si les stratèges américains atteignaient leur but, la Russie perdrait son prestige et se retrouverait aussi isolée sur la scène internationale que déconsidérée par l’opinion publique mondiale.

Cet essai a vocation à souligner les aspects de la guerre informationnelle et psychologique, qui se déploie selon plusieurs axes : bloquer l’accès de la société occidentale en particulier à une information objective et gratuite, conformément aux objectifs poursuivis par les États-Unis ; adopter un parti pris systématique dans la présentation de l’information, diabolisant l’une des parties au conflit et blanchissant l’autre ; diffuser de fausses informations et des rumeurs ; étendre la guerre au cyberespace.

  1. Blocage de l’accès à l’information et absence de médias objectifs

            Les dirigeants des États-Unis et de l’UE ont interdit la diffusion aux États-Unis et en Europe de la chaîne Russia Today (RT) et de la radio Sputnik en anglais, français, allemand et espagnol. Le 27 février 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait expliqué l’interdiction des émissions de RT et de Sputnik par une volonté d’arrêter la propagation de “désinformation toxique et nuisible” en Europe. « Une autre étape sans précédent est que nous allons interdire la machine médiatique du Kremlin dans l’UE. Les entreprises publiques Russia Today et Sputnik, ainsi que leurs filiales, ne pourront plus répandre leurs mensonges », a déclaré von der Leyen. [1]

Mais c’en était trop peu pour à l’élite politique occidentale. Le sixième paquet de sanctions contre la Russie prévoit une interdiction de diffusion dans l’Union européenne de toutes les chaînes de télévision et de radio russes, y compris de celles dédiées à la musique et au divertissement. Étant donné que la majorité des Européens ne parlent pas russe, l’interdiction vise probablement à priver d’informations la diaspora russe et russophone. Le 3 juin 2022, l’UE a suspendu la diffusion sur son territoire de trois chaînes de télévision russes relevant de la compétence de l’État : Rossiya RTR / RTR Planeta, Rossiya 24 / Russia 24 et TV Center International. L’Union européenne qualifie l’utilisation de ces canaux par le gouvernement russe d’ « outils de manipulation de l’information et de diffusion de la désinformation sur l’opération militaire en Ukraine, y compris la propagande, dans le but de déstabiliser les pays voisins de la Russie, ainsi que l’UE et ses États membres. » Certains États de l’UE ont même fait du zèle en dépassant les exigences du sixième paquet de sanctions : par exemple, le gouvernement letton a interdit la diffusion de 80 chaînes de télévision russes sur son territoire. [2] Dans le même temps, les pays baltes facilitaient la diffusion des idées de l’opposition libérale russe qui propageait des discours défaitistes. Notamment, la chaîne de télévision d’opposition Dojd, qui a suspendu ses émissions en mars de cette année, a reçu l’autorisation d’émettre depuis la Lettonie. [3]

Ainsi, la seule source d’information sur la situation en Ukraine disponible le public occidental reste leurs propres médias, les médias libres du monde libre. Cependant, sont aussi libres qu’ils le prétendent ? La professeure Heidi Legg du Département de journalisme de l’Université de Harvard a mené une étude dans laquelle elle a découvert que 20 à 25 familles possédaient 150 grands médias américains. Son rapport s’intitule « Un projet de recherches sur les médias de masse montre qui exactement à qui appartiennent les informations aux Etats-Unis » [4]. Cette étude a été suscitée par le constat révélé à la suite d’enquêtes sociologiques de la méfiance de la majorité des Américains envers le contenu des programmes d’information de télévision et de radio. Dans ces sondages récents, 72% des citoyens américains ont évalué la les agences de presse et autres médias comme insatisfaisants dans la couverture de l’information. Dans le même temps, le nombre d’agences et de services de presse aux États-Unis n’avait cessé d’augmenter. Rien qu’au cours des trois dernières années, 230 services d’information non commerciaux ont fait leur apparition dans le pays. Cependant, après vérification de leurs sources de financement, il s’avère qu’ils sont tous financés par Google (le milliardaire Sergey Brin), Facebook (le milliardaire Mark Zuckerberg), ou des magnats des médias comme Rupert Murdoch. En pareille situation, la partialité de l’information est inévitable.

Et voici, selon l’étude de Heidi Legg, à quoi ressemble le paysage des plus grands médias de masse américains. La célèbre publication Internet Wikipedia, qui est la source de référence principale pour les milieux instruits américain et européen, appartient à Google. Soit dit en passant, l’article sur l’opération spéciale en Ukraine dans l’édition russe de Wikipédia s’intitule « l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». Le groupe Fox, qui comprend la célèbre chaîne Fox News, qui fournit la plupart des nouvelles, est contrôlé par le magnat des médias australien de 90 ans Rupert Murdoch. Le même Murdoch est propriétaire du New York Post et du Wall Street Journal (WSJ) qui fait autorité dans le monde des affaires. L’agence de presse CNN est dirigée par une filiale commune de Discovery Media et de Warner Media (la célèbre Warner Brothers, basée à Hollywood). ABC News appartient à Disney, dont Robert Iger est l’actionnaire majoritaire. Son rival NBC News appartient à Comcast, qui appartient à Brian Roberts. À son tour, CBS News est contrôlé par Viacom CBS (famille Redstone). Comcast possède EW Scripps Local TV en partenariat avec le spéculateur financier très connu Warren Buffett. L’agence d’informations commerciales Bloomberg appartient à l’ancien maire de New York, le milliardaire Michael Bloomberg.

Un certain nombre de journaux, magazines et portails Internet très fréquentés appartiennent à Hearst Communications. La famille Hearst contrôle 18 quotidiens et les magazines de mode Esquire et Harper’s Bazaar. Le célèbre journal Washington Post, qui domina un temps le monde de la presse, est tombé sous le contrôle de l’une des personnes les plus riches des États-Unis, à savoir le propriétaire d’Amazon Jeff Bezos. Le deuxième journal américain le plus populaire, le New York Times, appartient à la famille Ochs Sulzberger. Advance Publications appartient à la famille Newhouse. Elle publie les magazines New Yorker, Vogue et Vanity Fair. Le magazine Insider appartient à la maison d’édition allemande d’Axel Springer. Depuis le décès en 1984 de son fondateur, célèbre magnat des médias et aventurier, la société appartient à ses associés Roberts, Kravis et Kohlberg.[5] La société Tribune Publishing Company (dont dépend le Chicago Tribune, l’un des plus grands journaux américains, et 10 autres quotidiens) est le deuxième plus gros groupe de presse américain et appartient au fonds spéculatif Alden Global Capital. Capitol Hill Publishing est contrôlé par les amis de l’ancien président Donald Trump, Rudy Giuliani, Jimmy Finkelstein et John Solomon. C’est ce groupe de presse, selon Heidi Legg, qui a diffusé des théories du complot sur la guerre en Ukraine par le biais de médias contrôlés. The Daily Beast appartient à IAC/Interactive Corp, une société de médias dirigée par Barry Diller. Le Los Angeles Times, le journal le plus lu de la côte ouest des États-Unis, appartient au couple de milliardaires Patrick et Michele Soon-Shiong, d’origine chinoise. La Boston Globe Media Company, qui contrôle le célèbre journal américain The Boston Globe, appartient à la famille des magnats John et Linda Henry, également propriétaires du Liverpool Football Club. Le magazine Time est contrôlé par les propriétaires de Sales Force, Marc et Lynne Benioff. US News and World Report est contrôlé quant à lui par le milliardaire canado-américain Mortimer Zuckerman, qui finance à la fois les démocrates et les républicains.

Le tableau n’est guère plus réjouissant au Royaume-Uni, où les principaux médias ne sont plus entre les mains de vingt, mais de quatre à cinq familles. Par exemple, l’agence Reuters, fondée au milieu du XIXème siècle par le baron Julius Reuter et qui a longtemps proposé une information précise et impartiale, appartient à la Thompson Corporation (dirigée par le milliardaire canadien David Thomson). Le journal économique Financial Times appartient au géant japonais des médias Nikkei[6]. Le même Rupert Murdock contrôle les journaux les plus réputés du London Times, du Sunday Times et du Sun. Rappelons qu’au XIXème et dans la première moitié du XXème siècle, tout gentleman britannique qui se respectait commençait sa matinée par la lecture du Times. Quant au journal The Sun, ce média autrefois sérieux, s’est transformé dans les mains de Murdoch en un tabloïd dédié aux scandales de la famille royale et aux divorces et frasques sexuelles des célébrités. C’est dans ce tabloïd que, depuis décembre 2021, des alertes sur une invasion russe imminente de l’Ukraine ont été régulièrement publiées. Sur la base du tirage imprimé de ces journaux et de leur nombre de visiteurs sur Internet (38 millions par mois), l’Association des journalistes indépendants de Grande-Bretagne a estimé que Murdoch contrôlait 25 % de la presse britannique.

La première place est occupée par le propriétaire des journaux Daily Mail et Metro Jonathan Harmsworth, vicomte Rothermer. La famille Rothermer a longtemps occupé des positions prééminentes tant dans les rangs de l’aristocratie que dans les médias britanniques. Elle détient 35,5 % des tirages imprimés et attire 54 millions de visiteurs en ligne. En troisième place se trouve Evgeny Lebedev, le fils de l’ancien oligarque russe Alexandre Lebedev, qui a émigré à Londres en 2010. Il est propriétaire des journaux London Evening Standard et The Independent (8 % de la production imprimée et 25 millions de visiteurs en ligne). Il y a comme une ironie du sort à ce qu’un journal appelé The Independent soit devenu la propriété d’un nouveau riche russe qui s’est enfui au Royaume-Uni à cause d’ennuis avec la justice dans son pays d’origine. La quatrième place est occupée par les publications appartenant à Frederick Barclay : The Telegraph avec 5 % de la production imprimée et 25 millions de visiteurs en ligne.[7] Le seul journal vraiment indépendant en Grande-Bretagne est The Guardian.

Selon l’organisation européenne du journalisme Media News Monitor, le risque de concentration entre les mêmes mains des médias de masse britanniques est très élevé et atteint 70 %. Le même phénomène regrettable est observé en Espagne, en Finlande et dans un certain nombre de pays d’Europe de l’Est.[8] Dès mars 1931, le Premier ministre britannique de l’époque Stanley Baldwin accusait les médias, concentrés entre les mains d’oligarques locaux, d’orchestrer des campagnes de mensonges systématiques et de sabotage gouvernemental. Il a qualifié ces médias de « moteurs de propagande, au service de la politique versatile, des attitudes et de la justification des vices personnels de leurs propriétaires – Rothermer et Beaverbrook ». Comme nous pouvons le constater, depuis lors la situation n’a fait que s’aggraver. En témoigne le fait que de juillet 2019 – date de la prise de fonctions de Boris Johnson – jusqu’à fin septembre 2020, les représentants des trois plus grands conglomérats de presse – News Corp de Rupert Murdoch, DMGT du vicomte Rothermer et la société de Frederick Barclay – ont rencontré le Premier ministre et les ministres du gouvernement quarante fois, soit davantage que les représentants de tous les autres médias réunis.

En 2016, les médias détenus par Rothermer, Murdoch et Barclay ont joué un rôle décisif dans le choix de 52 % des Britanniques de voter pour quitter l’Union européenne (Brexit).[9] Cette décision politique et économique s’est avérée extrêmement douloureuse pour la plupart des citoyens Anglais, mais servait les intérêts à long terme des grands magnats financiers de la City de Londres. En même temps, il a donné une impulsion puissante à un nouveau rapprochement entre la Grande-Bretagne et leurs « cousins ​​» américains. Une fois libérée des « chaînes européennes », Londres s’est précipitée vers une nouvelle intégration avec les États anglo-saxons dans le cadre du bloc AUCUS (Australie, Grande-Bretagne, Canada, États-Unis). Le pertinent journaliste britannique Peter Oborne a écrit à ce sujet : « Les grands propriétaires de presse (Rothermer, Murdoch et Barclay) forment le noyau de la base de soutien de Johnson. Ils l’ont aidé à devenir un chef conservateur, l’ont soutenu lors de son ascension au pouvoir et l’ont protégé des scandales politiques qui ont tourmenté Johnson pendant son mandat de Premier ministre. La classe des milliardaires a placé son homme, Boris Johnson, en résidence à Downing Street il y a trois ans. Il les sert parce qu’il sait ce qu’ils veulent. Johnson est le sommet d’un système de gouvernance qui leur donne des contrats lucratifs, garantit leurs privilèges, détruit la réglementation, attaque la primauté du droit, restreint les droits des travailleurs et place le marché au-dessus de l’État. Le génie de Boris Johnson réside dans le fait qu’il fait cela tout en prétendant être du côté des travailleurs ordinaires. C’est pourquoi les super-riches aiment Boris, l’idiot utile des milliardaires »[10]. La priorité de ces barons des médias, ce n’est pas l’objectivité, mais la rentabilité et la pérennité de leur propre entreprise. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à une quelconque objectivité ni même à une neutralité des publications anglo-saxonnes pour ce qui est de la couverture du conflit militaire en Ukraine.

  • Les buts profonds des Etats-Unis dans le conflit ukrainien

L’élite américaine ne veut en aucun cas d’une victoire militaire ukrainienne. La tâche de Washington est, premièrement, d’affaiblir le plus possible la Fédération de Russie. Les Américains (nous entendons ici la classe politique américaine, et non pas citoyens américains ordinaires) veulent détruire la Russie en tant que concurrent, la rejeter vingt ans en arrière dans son développement économique, la diffamer auprès de l’opinion publique mondiale en en faisant un État paria. Le deuxième objectif des États-Unis est de contenir la Chine. Depuis 2013, le gouvernement de la RPC met en œuvre le programme « One Belt, One Road » qui, à terme, est susceptible de mener à l’hégémonie économique chinoise en Eurasie. L’un des éléments du programme consiste à établir des voies de communication rapides de la région Asie-Pacifique (APR) vers l’Europe occidentale, ce qui augmentera considérablement les échanges entre ces régions du monde. Après cela, il y a fort à parier que les États-Unis doivent oublier le partenariat commercial transatlantique. Des entreprises chinoises ont déjà acheté les ports du Pirée en Grèce et de Trieste en Italie. En 2017, les échanges entre la Chine et l’Allemagne ont atteint 187 milliards d’euros, tandis que les échanges entre la Chine et la France et le Royaume-Uni ont atteint respectivement 70 milliards d’euros. Un rôle important dans la mise en œuvre du programme « One Belt, One Road » revenait à la Russie et à l’Ukraine. L’une des branches de la nouvelle route de la soie devait traverser le territoire russe jusqu’à Saint-Pétersbourg avec un débouché ultérieur vers la Pologne et l’Allemagne. En 2013, la RPC a conclu un certain nombre d’accords avec le gouvernement ukrainien de Viktor Ianoukovitch sur des investissements à grande échelle en Crimée. La péninsule était censée devenir une plaque tournante commerciale dans le bassin de la mer Noire.[11]

Tous ces plans ont été réduits à néant par les sanctions sans précédent imposées à l’encontre de la Russie par l’Union européenne et soufflées par Washington. Un autre objectif probable des stratèges américains était de causer des dommages irréparables à l’économie européenne afin de mettre à bas leur principal concurrent. Le diplomate italien Marco Carnelos, ancien ambassadeur d’Italie au Liban et à l’ONU, a écrit à ce sujet : « L’Europe a fait deux tentatives de suicide bien exécutées. Il s’agissait de la Première et de la Seconde Guerres mondiales. Les futures annales de l’histoire se souviendront peut-être du 24 février 2022 comme de la troisième tentative de ce type pour s’effacer de l’histoire. L’Union européenne, telle une somnambule, avance à grands pas vers l’abîme, prise par l’aveuglement et les instincts grégaires. Elle a déjà imposé une cascade de sanctions à la Russie dictées par Washington. Ces sanctions frapperont inévitablement l’économie européenne et réduiront sa compétitivité. Pour sa politique comme pour sa sécurité, l’UE devient un appendice institutionnel de l’OTAN»[12].

Malheureusement, des voix comme celle de Marco Cornelos atteignent rarement le public occidental car elles se situent en dehors du discours dominant. Toutefois, son discours est partagé par certains de ses pairs. Par exemple, dans le journal Asia Times du 24 février de cette année est paru l’article de David Goldman « Biden pousse Poutine dans les bras de Xi » [13]. Dans ce document, Goldman soutient que le cours de politique étrangère antirusse de l’administration démocrate Biden a poussé la Fédération de Russie à lancer une opération militaire en Ukraine. L’expert américain s’interroge : « Pourquoi nous, Américains, sommes-nous si attentifs à la sécurité de l’Ukraine et de la Géorgie et ignorons-nous les préoccupations de Moscou quant à la sécurité nationale russe ? » Goldman note qu’à l’origine il souhaitait publier cet article dans le New York Times, mais son article fut refusé car jugé « trop ​​pro-russe ». C’est d’autant plus surprenant que David Goldman n’est pas un marginal, mais un représentant de l’élite américaine. En 1981-1988, il a été conseiller économique dans l’administration de Ronald Reagan et l’un des auteurs de ses réformes économiques libérales.

  • La partialité des médias

Les faits et les réalités du conflit en Ukraine sont présentés dans les médias occidentaux de manière extrêmement partiale et biaisée. Cela concerne, tout d’abord, les causes de la guerre. L’Ukraine est présentée comme une victime innocente de l’agression gratuite de la Russie. Ce faisant, on ignore que pendant huit ans (2014-2022), la partie ukrainienne a procédé à des bombardements systématiques du Donbass, qui ont entraîné la mort de 14 000 civils et l’exode d’une partie importante de la République Populaire du Donbass et de la République Populaire de Lougansk vers la Russie. Les médias occidentaux font mine d’ignorer que les gouvernements de Piotr Porochenko et de Volodymyr Zelensky ont saboté la mise en œuvre des accords de Minsk et exercé un chantage permanent envers la Russie, menaçant de rejoindre l’OTAN et d’acquérir des armes nucléaires.

Le parti pris des médias dans le traitement de questions politiques et sociales majeures s’illustre dans les articles du chroniqueur du Washington Post David Ignatius. Notons tout de suite que David Ignatius n’est un journaliste quelconque. Par le passé, il a été un employé de la CIA et a entretenu des liens avec les élites politiques américaines et les chefs du Pentagone et des agences de renseignement. De son propre aveu, il s’est rendu 6 à 7 fois en Russie, y compris à l’époque soviétique. En conséquence, son niveau d’analyse devrait être supérieur à celui des autres journalistes américains. Néanmoins, Ignatius, lorsqu’il aborde certains aspects du conflit en Ukraine dans une optique antirusse, soit prend les faits à la légère, soit les manipule délibérément.

  • Sur les sanctions à l’égard de personnes physiques

Le 24 mai 2022, le Washington Post publiait un article d’Ignatius intitulé « Pourquoi je suis attristé que mon nom apparaisse sur la liste de représailles russe » [14]. Il y énumère en détail les politiciens, membres du Congrès, chefs des forces de l’ordre et ministres américains interdits d’entrée en Fédération de Russie. Or ce faisant, David Ignatus nie clairement l’évidence selon laquelle la liste des sanctions russes n’était qu’une réponse aux sanctions américaines contre des individus et des entités russes. Revenons un instant à la chronologie.

Le 27 février 2022, l’Union européenne avait imposé des sanctions contre les 351 députés de la Douma d’État ayant voté le 15 février en faveur d’un appel au président Poutine avec une demande de reconnaissance des Républiques Populaires de Dontesk et de Lougansk (le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait alors annoncé son intention de priver les députés de la Douma d’Etat de « shopping à Milan, de soirées à Saint-Tropez et des diamants d’Anvers ».) Des sanctions ont également été appliquées à 27 personnes et entités ayant « menacé ou porté atteinte à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à l’indépendance de l’Ukraine, parmi lesquelles le ministre russe de la Défense Sergueï Shoïgou, le président de VTB Bank Andreï Kostine, le présentateur de télévision Vladimir Soloviov, la PDG de RT Margarita Simonian et le président de VEB Bank Igor Chouvalov. Le 3 mars les États-Unis ont imposé des sanctions contre le secrétaire de presse du président Dmitri Peskov, contre le dirigeant du groupe MétalloInvest Alicher Ousmanov et d’autres. Les sanctions prévoient leur exclusion du système financier américain, le gel des avoirs et des biens, la possibilité de poursuites pénales et la confiscation de leurs biens. Les États-Unis ont également imposé des restrictions de visa à 19 oligarques russes et 47 membres de leurs familles et associés. Il convient de noter qu’une partie importante de ces personnes ne font pas seulement partie du cercle restreint du président Vladimir Poutine, mais que beaucoup d’entre elles sont devenues des «généraux» de l’économie russe avant son arrivée au pouvoir. Le 9 mars, l’UE et les États-Unis ont ajouté 160 personnes supplémentaires à la liste des sanctions, dont 146 membres du Conseil de la Fédération. En revanche, les sanctions de représailles russes n’ont été introduites qu’à la fin du mois de mai. Ce sont bien les Américains et leurs partenaires européens, et non le gouvernement russe, qui ont tout fait pour que l’Occident n’ait plus aucun interlocuteur en Fédération de Russie.

  • Sur le rôle politique de l’Eglise orthodoxe

David Ignatius fait preuve d’un même parti-pris lorsqu’il traite des affaires de l’Eglise en Ukraine. Le 5 mai, le même Washington Post publiait un article «  L’attaque russe contre l’Ukraine se double d’une guerre de religion ». Ignatius note : « Le président russe Vladimir Poutine a ravivé la rivalité religieuse dans son célèbre essai de juillet 2021, dans lequel il a jeté les bases émotionnelles d’une future invasion. Prétendant que les Russes et les Ukrainiens sont liés par un héritage orthodoxe commun, il condamne les Ukrainiens qui, faisant preuve d’esprit critique, affirment que la Russie s’est ingérée sans ménagement dans la vie de l’Église et l’a conduite au schisme. La version de Poutine est soutenue par le patriarche de l’Église orthodoxe russe Kirill, mais elle est rejetée avec force par les dirigeants d’autres communautés orthodoxes, et avant tout par l’aîné du christianisme oriental, le patriarche œcuménique de l’Église de Constantinople Bartholomée qui représente 1500 de tradition byzantine[15]. » Le journaliste américain commente encore l’aspect “religieux” de l’opération spéciale russe en Ukraine : « Nous considérons Poutine comme un dirigeant laïc, autoritaire. Mais il est aussi un croyant orthodoxe, à qui sa mère offrit une croix  en pendentif à l’époque impie des communistes. Kirill est devenu son allié, convainquant le peuple russe de la nécessité d’attaquer et de conquérir le pays slave voisin et de remettre de l’ordre parmi les croyants rebelles. » Ignatus déclare plus loin : « Le patriarche Bartholomée a tenté une réconciliation lors du « Saint et Grand Concile » de 2016 en Crète, mais Kirill a adopté la politique de la chaise vide. En 2018, Barthélemy a officiellement reconnu l’indépendance de l’Église ukrainienne vis-à-vis de Moscou. En réponse, Kirill a rompu tout lien avec lui et nié sa supériorité (?! – ndlr.). C’est ainsi que le patriarche de Moscou a suscité le schisme de l’Eglise. » [16].

Ici, chaque mot est un mensonge ou une omission. Premièrement, il ne peut être question d’aucune supériorité du patriarche de Constantinople sur les autres chefs des Églises orientales. Dès le Vème  siècle de l’ère chrétienne, les patriarches d’Antioche, de Jérusalem, d’Alexandrie, de Constantinople et de Rome étaient reconnus comme parfaitement égaux en droits. Deuxièmement, le schisme de l’Église en Ukraine n’a pas commencé le 2 mars 2022, lorsque les schismatiques de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine ont cessé de commémorer le nom du patriarche Kirill dans leurs prières, ni même en 2018, mais en 1990-1992.

En 1990-1991, après la légalisation de l’Église gréco-catholique ukrainienne en Ukraine occidentale, les uniates se sont emparés des paroisses de l’Eglise orthodoxe russe dans trois régions de la république soviétique socialiste d’Ukraine. Cela s’accompagnait souvent de passages à tabac ou même du meurtre de prêtres orthodoxes. Philarète Denissenko, qui fut pendant de nombreuses années le métropolite légitime et chef de l’exarchat ukrainien de l’Église orthodoxe russe, a dénoncé ces actions avec virulence. Cependant, en 1990, le patriarche Pimène de l’Église orthodoxe russe est décédé et des élections se sont tenues. Philarèteétait parmi les candidats à sa succession et espérait l’emporter avec l’aide des communistes, mais il arriva en troisième position. Le métropolite de Leningrad et Novgorod Alexis II (Ridiger) est devenu le nouveau patriarche de l’Église orthodoxe russe. Par la suite, Philarète a demandé le statut d’autocéphalie complète pour l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, espérant diriger, sinon l’Église russe, du moins l’Église ukrainienne, qui en 1990 avait signé une charte avec l’Eglise orthodoxe russe, stipulant qu’elle jouirait désormais d’une large autonomie et d’une complète indépendance administrative. En novembre 1991, Philarète voulut pousser son avantage et convoqua un conseil de l’’Eglise orthodoxe d’Ukraine où il exigea de tous les évêques qu’ils signent un appel à l’autocéphalie. Cependant, les orthodoxes d’Ukraine n’étaient pas prêts à rompre leur lien de prière avec l’Église russe et n’acceptaient pas l’idée d’une autocéphalie complète. Quatre mois plus tard, lors du Conseil des évêques de l’Église orthodoxe russe au monastère de Danilov, la majorité des évêques d’Ukraine exprimèrent leur méfiance à l’égard de Philarète. Il lui fut reproché sa gestion tyrannique et son mode de vie immoral, compte tenu de l’interdiction faite aux moines d’avoir femme et enfants. Philarète jura devant la croix de démissionner. Cependant, le berger autrefois fidèle à Moscou et agent du KGB, devenu schismatique et indépendant, ne tint pas parole. Avec l’aide du président  Léonid Kravtchouk et des députés de la Rada, il décida de faire alliance avec ses ennemis d’hier, à savoir les nationalistes et les autocéphales. C’est ainsi qu’est apparue l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev. Notons que de toute l’Église orthodoxe d’Ukraine, seuls deux évêques suivirent le schisme de Philarète. En revanche, lorsque le métropolite Vladimir, devenu primat de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine à la place de Philarète, arriva en gare de Kiev, des dizaines de milliers de fidèles étaient présents pour l’accueillir.[17]

Derrière les tentatives de soutien à Philarète, semblent se trouver non seulement les ambitions de l’élite politique ukrainienne d’alors, d’anciens communistes devenus soudain nationalistes, mais aussi les desseins de certains cercles occidentaux. Premièrement, son action sapait la position de l’Eglise orthodoxe russe en Ukraine, coupant ainsi un canal important susceptible de favoriser l’intégration future des deux pays. Deuxièmement, cela affaiblissait les positions de l’orthodoxie ukrainienne elle-même. Trois Églises orthodoxes apparurent simultanément dans le pays : l’Eglise orthodoxe russe du Patriarcat de Moscou (incluant la majorité des croyants), l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev et l’Eglise autocéphale orthodoxe ukrainienne.

Pour avoir désobéi à l’Église en 1992, Philarète a été défroqué. En 1997 il fut excommunié de l’Église et anathématisé pour activités schismatiques. La condamnation de Philarète était reconnue par absolument toutes les Églises locales, à comencer par l’Église de Constantinople en la personne du Patriarche Bartholomée. Cependant, en 2018, sa position changea radicalement, encouragé par le président Petro Porochenko. Les responsables de son gouvernement n’ont pas fait mystère de leurs intentions, avouant que le projet d’une nouvelle structure religieuse était une technologie politique pré-électorale. Comme le dit le stratège politique de son équipe, Taras Berezovets : « Vous pouvez dire qu’il s’agit d’une technologie pré-électorale ordinaire. Et ce sera vrai, car 36 % de la population soutient une Église propre et unique en Ukraine. En avril 2018, après un voyage au Phanar (la résidence du patriarche Bartholomée à Istanbul), Porochenko a annoncé qu’il s’était mis d’accord avec le patriarche Bartholomée pour créer une nouvelle église.

D’où est venu ce revirement de la part du patriarche ? Le fait est que, malgré son titre ronflant, le Patriarcat de Constantinople n’a pratiquement pas de paroissiens sur le territoire de la Turquie. À la suite de l’expulsion des Grecs d’Anatolie (1922), la population orthodoxe d’Asie Mineure a disparu. Après les pogroms de 1955 à Istanbul par des nationalistes turcs, les derniers vestiges de la communauté grecque d’Istanbul, autrefois florissante, ont quitté la Turquie. Le nombre de croyants orthodoxes en Turquie est tombé à deux ou trois mille personnes.[18] D’autre part, l’Église de Constantinople a commencé à s’intéresser à ses exilés grecs de Turquie qui ont trouvé refuge à l’étranger. C’est donc la diaspora grecque aux États-Unis et au Canada qui forme la base des paroissiens du Patriarcat de Constantinople. Par conséquent, le budget de l’Eglise dépend aussi de leurs dons. L’une des personnes les plus influentes du patriarcat de Constantinople est le père Alex Karloutsos, responsable des relations publiques de l’archidiocèse grec orthodoxe d’Amérique. De plus, le père Alex est conseiller exécutif de la fondation Faith: An Endowment for Orthodoxy and Hellenism, qui finance les institutions de l’archidiocèse grec orthodoxe des États-Unis. Le fonds est donc devenu l’un des instruments de l’influence américaine en Grèce. Le père Alex Karloutsos a des liens amicaux avec des milliardaires américains d’origine grecque. Grâce à cela, il est devenu le lobbyiste le plus important de l’archidiocèse grec orthodoxe d’Amérique. Karloutsos est ami avec l’ancien président américain George W. Bush, avec l’actuel président Joe Biden et, par l’intermédiaire de son ami proche, le multimillionnaire John Catsimatidis, avec Hillary Clinton. Cet homme d’Eglise et son entourage disposent donc de solides arguments pour persuader le patriarche Bartholomée de prendre des décisions qui leur sont favorables.[19] David Ignatius serait bien avisé de prendre tout cela en considération avant d’écrire un article sur l’orthodoxie en Ukraine.

  • Sur les accusations de famine organisée

Un autre exemple de traitement biaisé de l’information apparaît dans les accusations dont fait l’objet la Russie d’organiser une famine mondiale en empêchant l’accès des céréales russes et ukrainiennes aux marchés internationaux. Par exemple, le 5 juin 2022, le New York Times a publié un article de Declan Walsh et Valerie Hopkins, « La Russia cherche des acheteurs pour les grains qu’elle a pillés en Ukraine ». Les auteurs de l’article notent : « La Russie a bombardé, bloqué et pillé les réserves de céréales de l’Ukraine. La capacité de production de la culture céréalière en Ukraine représente un dixième des exportations mondiales de céréales. Les États-Unis avertissent maintenant que le Kremlin se prépare à tirer profit de ce pillage en vendant ce blé à des États africains touchés par la sécheresse et menacés de famine. [20]» Quelles preuves les journalistes apportent-ils ? Voici ce qu’ils écrivent : « Le vice-ministre de l’Agriculture, M. Vyssotski et d’autres ministres ukrainiens accusent depuis des mois la Russie de voler des céréales dans les territoires occupés du sud. La majeure partie provient de silos des régions occupées de Zaporojié, Kherson, Donetsk et Lougansk. En 2014-2016, malgré les hostilités, les républiques populaires de Donetsk et Lougansk ont exporté leurs marchandises, céréales et produits métallurgiques à travers le territoire ukrainien et en tant que production ukrainienne. Cela était avantageux à la fois pour Donetsk et Kiev. Cependant, en 2016, le président ukrainien Petro Porochenko a annoncé un blocus économique du Donbass, coupant tous les liens existant avec cette région. Quant aux régions de Zaporojié et de Kherson, les agriculteurs de ces régions ont besoin de vivre de leur travail malgré le conflit militaire, c’est pourquoi ils n’ont d’autre choix que d’écouler leur production via des circuits russes. Ils poursuivent en mentionnant l’avertissement du Département d’État américain aux États africains de ne pas acheter de « grains volés » à la Russie.

Pourtant, à aucun moment les journalistes du New York Times ni leurs collègues n’ont essayé sérieusement de comprendre le problème de la hausse des prix alimentaires sur le marché mondial. Voici comment l’économiste russe reconnu et qu’on ne saurait soupçonner de sympathies pro-gouvernementales Nikita Kritchevki a commenté cette question : « En 2021, la Russie et l’Ukraine ont fourni 75 % de l’huile de tournesol, 29 % de l’orge, 28 % du blé et 15 % du maïs vendus sur le marché mondial. Près de 50 pays dépendent de la Russie et de l’Ukraine pour au moins 30 % de leurs besoins en blé, dont 26 pays dépendent pour plus de moitié. La récolte de céréales de l’année dernière en Ukraine a été sans précédent (…) Soit dit en passant, à propos des plus grands silos à grains. Aucun d’entre eux n’est situé dans la zone d’opération spéciale, tous sont situés soit au centre, soit à l’ouest, soit au sud du pays. Ainsi, les Russes, quand bien même s’ils l’auraient-ils voulu, ne pouvaient pas sortir le grain de ces silos (ou, comme vous le dites, le voler). Jusqu’au 1er juillet de cette année, compte tenu de l’opération spéciale et du blocage minier des ports, l’Ukraine s’attend à avoir vendu au mieux 47 millions de tonnes de céréales. Aurait-elle pu en vendre plus ? Non. Et la raison n’en est pas les “méchants” Russes, mais la capacité de débit des ports locaux, qui ne dépasse pas 1,2 à 1,5 million de tonnes par mois. Et ce ne sont pas mes calculs, mais l’opinion du chef de l’Association ukrainienne des céréales, Nikolai Gorbatchev. » [21]

Plus loin, Kritchevski note que, selon des experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix des denrées alimentaires ont atteint un niveau record avant même le début de l’opération militaire spéciale en Ukraine. Ainsi, en février 2022, l’indice FAO des prix des denrées alimentaires a atteint un nouveau plafond, dépassant le pic de février 2011 de 2,2% et s’envolant de 21% par rapport à 2021. Cela ne s’est pas du tout produit à cause de la Russie, mais à cause de l’émission monétaire pendant la pandémie, des prix élevés de l’énergie, des engrais et d’autres ressources agricoles. [22]

En outre, les dirigeants ukrainiens ont systématiquement abandonné toute tentative pour résoudre le problème des exportations de céréales. Au début de l’opération spéciale, l’armée ukrainienne a miné le port d’Odessa et un certain nombre d’autres ports de la mer Noire, « se tirant ainsi une balle dans le pied ». En mai de cette année, le gouvernement ukrainien a rejeté la proposition du président biélorusse, Alexandre Loukachenko, d’exporter des céréales via son territoire au motif que la Biélorussie serait un État hostile. L’exportation de gros volumes de céréales (nous parlons de 4 à 5 millions de tonnes par mois) par voie ferrée à travers la Pologne est impossible en raison de problèmes d’infrastructure, comme c’est le cas pour le transport fluvial à travers la Roumanie. La question n’a toujours pas été réglée : tout récemment encore, le 29 octobre, la Russie a annoncé suspendre sa participation à l’accord assurant sa poursuite de céréales ukrainiennes après une attaque de drones ayant visé ses navires en Crimée, que Moscou a imputée à l’Ukraine et à la Grande-Bretagne.[23]

  • Diffusion de fake news et de rumeurs

Il convient de distinguer les principales intrigues de la guerre de l’information des Occidentaux. Tout d’abord, il y a le mythe d’une agression gratuite russe contre un petit État épris de paix voulant rejoindre l’Union européenne. Deuxièmement, les médias occidentaux servent le récit de la lutte entre une « bonne démocratie » (l’Ukraine) contre une « mauvaise autocratie » (la Russie). Troisièmement, on trouve le mythe de la « cruauté de l’armée d’occupation russe », accusée de massacres et de viols. Quatrièmement, la presse déroule un récit sur l’inefficacité du système politique et économique russe, qui ne serait pas en mesure de résister aux sanctions de la « communauté mondiale ». Le cinquième thème concerne la supposée faiblesse des forces armées russes, leur manque de préparation pour une longue campagne militaire en Ukraine. Ce manque de préparation, selon les propagandistes occidentaux, se traduit par une surestimation des capacités de la partie russe (« ils voulaient prendre l’Ukraine à mains nues »), un mauvais commandement, un nombre de personnels dans les forces terrestres russes faible et insuffisant pour conquérir l’Ukraine.

  • Les viols imputés à l’armée russe

Un des sujets de prédilection des médias occidentaux est la description des atrocités qui auraient été commises par l’armée russe sur le territoire de l’Ukraine, dont une part considérable est consacrée au thème du viol. Même certains chefs d’État peuvent parfois y être associés. Par exemple, le 27 avril 2022, la présidente slovaque Zuzanna Tchapoutova s’est adressée en russe aux militaires des forces armées russes stationnés en Ukraine, les appelant à « mettre fin à cette terrible guerre ». Etant elle-même une femme jeune et avenante, elle a attiré leur attention sur la souffrance des femmes en Ukraine. [24]

Dans la même veine, le 8 juin 2022, le Washington Post a publié un article de Loveday Morris « Elle a été violée en Ukraine. Combien d’autres femmes ont connu la même histoire d’amour ? »[25] L’article décrit l’histoire déchirante d’une certaine Katérina, une habitante de Marioupol de 19 ans violée par des militaires tchétchènes et précise qu’il existerait « des centaines, voire des milliers de cas de ce genre ». Les mêmes chiffres ont été repris par l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield. Un examen attentif révèle la source de cette « information » : la commissaire de la Verkhovna Rada ukrainienne pour les droits de l’homme, Liudmila Denissova. Elle a été nommée à ce poste en 2018, sous la présidence de Pétro Porochenko. Mais elle a également collaboré avec l’équipe de Zelensky. Voici ce que Pavel Frolov, vice-président de la commission de procédure de la Rada, a reproché à Denissova :

« La quantité dépassant l’entendement des interventions médiatiques de la médiatrice sur les détails des « crimes sexuels » et des « viols d’enfants » dans les territoires occupés, alors qu’ils ne sont étayés par aucune preuve, n’a fait que nuire à l’Ukraine et détourné l’attention des médias mondiaux des besoins réels de l’Ukraine. » Ainsi, les parlementaires ukrainiens eux-mêmes ont reconnu que les informations de Denissova étaient fausses. [26] Il semble en effet que la médiatrice soit quelque peu obsédée par le sujet du viol. Comme se prenant à son propre jeu, elle a commencé à parler des violences sexuelles des « envahisseurs russes » non seulement contre des jeunes femmes, mais aussi contre des retraitées, de jeunes garçons et même des hommes adultes. Voici par exemple ses révélations dans une interview datée de mai dernier au journal suisse Blick : « Ils (les Russes – ndlr) violent pour que les femmes ne puissent plus avoir d’enfants. C’est clairement un génocide. Les soldats suivent l’ordre personnel de Poutine de détruire le pays… Des hommes et des garçons sont également violés. » [27]

Les fantasmes de Denissova ne lui ont pas réussi car les députés de la Rada l’ont disqualifiée en décidant de son renvoi du poste de médiateur le 31 mai par 245 voix pour.  Licenciée pour ses fausses allégations, Denissova a par la suite tenté de se justifier, soutenant qu’elle aurait inventé des histoires de viol pour le bien de son pays. Denissova a également déclaré que lors de son discours au parlement italien, elle avait remarqué une lassitude au sujet de l’Ukraine. Pour cette raison, elle aurait décidé d’inventer des histoires horribles sur des viols commis par l’armée russe, espérant susciter ainsi en Occident la prise de décisions favorables à l’Ukraine. « Peut-être que j’en ai trop fait. Mais je m’efforçais ainsi de convaincre le monde de nous fournir des armes et de faire pression sur la Russie », a admis Denissova. [28] Cet exemple montre avec quelle facilité les médias et les cercles politiques occidentaux prennent pour argent comptant des informations fallacieuses.

  • Sur la maternité de Marioupol

Des cas similaires d’intox sont apparus en mars relativement aux images du bombardement d’une maternité à Marioupol où auraient failli perdre la vie des femmes sur le point d’accoucher. Le 9 mars, les médias ukrainiens ont diffusé l’information selon laquelle l’artillerie russe avait bombardé une maternité. Or, les circonstances du reportage, telles qu’elles ont été rapportées par la population locale, indique clairement que le tournage avait été sciemment mis en scène ; en effet, selon l’un des habitants de Marioupol, dans les jours précédant le bombardement, la maternité municipale numéro 3 était encore pleine de femmes enceintes, qui furent évacuées la veille. Or, selon ce même homme ainsi que les habitants du voisinage qui balayaient les bris de vitre après l’onde de choc, « littéralement dans les cinq minutes qui suivirent le bombardement, un tas de journalistes et de voitures de police sont arrivés sur place et ont commencé le tournage. » [29] Une image avait choqué particulièrement les téléspectateurs occidentaux : celui d’une jeune mère sortant du sous-sol de la maternité après le bombardement. Il s’avéra par la suite que cette femme était une blogueuse connue, Marianna Vichémirskaïa (Podgourskaïa) qui n’était pas enceinte le moins du monde.

  • Sur la faiblesse de l’armée russe

Quant aux couplets sur l’inefficacité des forces armées russes, la victoire imminente des forces armées ukrainiennes et des bataillons nazis sur les « occupants », ils étaient monnaie courante lors de la première période de l’opération spéciale durant laquelle les forces armées russes ont subi des revers, en particulier dans les régions de Tchernihiv et Soumy. Suite aux récentes victoires russes et à l’affaiblissement des forces ukrainiennes, ces histoires ont disparu d’elles-mêmes. A titre d’exemple, citons l’article de Roger Cohen et Mark Santora « La situation en Ukraine a évolué en faveur de la Russie », publié dans le New York Times du 11 juin 2022. Les journalistes américains notent : « La guerre en Ukraine, dont le début a été marqué par des échecs russes, lorsque les troupes russes ont tenté sans succès de s’emparer de Kiev, semble prendre une nouvelle tournure. La Russie a plus ou moins atteint ses objectifs régionaux. Dans le même temps, l’Ukraine connaît une pénurie d’armes modernes et le soutien occidental à l’effort de guerre diminue face aux prix élevés du gaz et à une inflation galopante. » Rappelons que les commentateurs américains désignent parfois l’Ukraine du mot anglais underdog (signifiant l’adversaire le plus faible, la victime d’une attaque). Les auteurs de l’article déclarent plus loin : « S’exprimant lors d’une vidéoconférence qui se tenait à Singapour, le président Zelensky a de nouveau promis sa victoire future. « Il ne fait aucun doute que nous allons gagner la guerre que la Russie a déclenchée », a-t-il déclaré. Cependant, les premiers jours de la guerre où l’underdog ukrainien retenait un agresseur incompétent et où les bombardements aveugles de monsieur Poutine unifiaient l’Occident dans une même colère, commencent à appartenir au passé. Cette guerre-là fait place à ce qui peut être décrit comme un labeur fastidieux, qui consiste à augmenter la pression sur les gouvernements et les économies occidentales.» [30]

  • Sur l’utilisation aveugle par les médias occidentaux de sources exclusivement ukrainiennes ou pro-ukrainiennes

La conséquence du blocage des médias russes et des voix des journalistes indépendants occidentaux ou pas (on pense notamment aux médias arabes ou  latino-américains) est que les médias de masse américains comme européens s’appuient uniquement sur les informations provenant de responsables ukrainiens (à l’instar des affabulations de Denissova) ou des propagandistes pro-ukrainiens, comme le célèbre Dmitry Gordon, connu pour ses positions russophobes. Du reste, ce dernier a récemment avoué dans une de ses émissions qu’il fait plus pour la guerre de l’information que le gouvernement ukrainien lui-même. Notons également que, pour décrire la situation dans les zones de conflit, les journalistes occidentaux ne citent exclusivement que les maires et les gouverneurs nommés par le gouvernement officiel de Kiev. Pourtant, il est de notoriété publique que beaucoup de ces fonctionnaires ont depuis longtemps déserté leur juridiction et que, par conséquent, ils ne sont pas en mesure de savoir avec exactitude ce qui s’y passe. Par exemple, le journal italien La Repubblica publie dans son fil d’actualité un article intitulé « Ukraine : les horreurs de Kherson révélées. 600 civils se trouvaient dans une salle de torture. » [31] Naturellement, cette information se réfère aux déclarations du cabinet du président ukrainien. On peut s’étonner que les journalistes reprennent sans ciller des informations de fonctionnaires ukrainiens n’ayant pas mis les pieds à Kherson depuis plus de deux mois.

De même, le Washington Post a publié un article de Reis Thebault intitulé « Des risques de choléra nécessitent la mise en place d’une quarantaine à Marioupol »[32]. L’auteur s’y appuie uniquement sur des informations émanant de responsables ukrainiens. Il écrit : « Les dirigeants locaux en exil ont exprimé leur inquiétude au sujet de l’approvisionnement en eau de la ville. Le maire adjoint Petro Andruchtchenko a indiqué que des cadavres et des montagnes de déchets avaient empoisonné les sources d’eau potable, exposant les habitants à la menace du choléra, de la dysenterie et d’autres maladies. Encore une fois, faisons preuve d’un peu de bon sens : comment Andriuchtchenko, qui avait fui Marioupol avant même le déclenchement des hostilités, peut-il connaître avec exactitude la situation épidémiologique de la ville ?

  • La cyberguerre et les dommages touchant à la cybersécurité de l’adversaire

Dès le début de l’opération spéciale en Ukraine, des agences de renseignement occidentales et des groupes de hackers ont engagé une cyberguerre contre la Russie. Tout d’abord le groupe de hackers Anonymous ont déclaré la guerre à la Russie : les sites de Russia Today, du FAS (Service fédéral antimonopolistique) et du ministère de la Défense ont été temporairement désactivés. En outre, depuis le 24 février, un certain nombre de sites du gouvernement russe ont subi des attaques DDoS. Certaines ressources ont néanmoins pu être sont protégées en bloquant l’accès des utilisateurs situés en dehors de la CEI. Pavel Korostéliev, chef de la société « Code de sécurité » explique qu’« alors qu’auparavant on avait affaire à des cybercriminels, désormais il peut s’agir d’unités militaires dont les actions visent d’une manière ou d’une autre à neutraliser l’infrastructure critique d’un adversaire potentiel ». Selon Korostéliev, l’infrastructure des organisations gouvernementales et militaires est menacée, ainsi que celle du complexe de la défense et du secteur financier. » [33]

Déjà la veille du 24 février, l’infrastructure russe de technologies de l’information avait été mise à l’épreuve. Les experts avaient alors enregistré une vague d’attaques contre des bases de données gouvernementales, ainsi que sur les sites de médias régionaux et fédéraux, a déclaré Ramil Khantimirov, co-fondateur de StormWall, au journal Kommersant. Des pannes ont également été constatées par des visiteurs de Kremlin.ru, le site du gouvernement russe et de la Douma. Depuis le soir du 24 février, l’infrastructure informatique des autorités de la Crimée a également été la cible d’attaques DDoS, a rapporté Mikhail Afanassiev, le ministre de la Politique intérieure, de l’Information et des Communications de cette république. Ces actions n’ont pas épargné non plus les établissements financiers : le 24 février, Sberbank et Alfa-Bank ont ​​été victimes d’attaques DDoS, a déclaré sur Twitter Doug Madori, expert de la société Kentik spécialisée dans la surveillance et l’activité des réseaux. Selon les sources de Kommersant, la Caisse de retraite russe a également été visée par des attaques DDoS : le 20 février, elle a repoussé une attaque beaucoup plus puissante que d’ordinaire et anticipe maintenant des attaques s’immisçant dans les vulnérabilités des logiciels.

CONCLUSION

Dans les premiers temps de l’opération militaire spéciale en Ukraine, l’Occident espérait vaincre la Russie en l’étouffant avec des sanctions économiques. Washington et Bruxelles pensaient que l’isolement de la Russie entraînerait une chute de son économie, une forte baisse du niveau de vie des Russes et une révolte sociale. Après que l’économie russe a tenu bon et que l’Europe et les États-Unis sont eux-mêmes entrés en récession et ont vu leur inflation s’envoler, leur perception a sensiblement changé.

Un article du journal britannique The Guardian a constitué un bon indicateur de ce changement. Le 2 juin, le journal a publié un article du journaliste économique Larry Elliot intitulé « La Russie est en train de gagner la guerre économique et Poutine n’est pas près de retirer ses troupes », où il écrit : « Les sanctions ont été contre-productives en augmentant la valeur des exportations russes de pétrole et de gaz, en renforçant la balance commerciale de la Russie et, en même temps, la capacité de Moscou à financer la guerre en Ukraine. Au cours des quatre premiers mois de 2022, l’excédent commercial de la Russie était de 96 milliards de dollars, soit trois fois plus qu’à la même période l’année précédente. » Des perspectives beaucoup plus sombres, selon Larry Elliot, attendent les économies d’Europe et des États-Unis. Il déclare : « L’attaque russe contre l’Ukraine a déclenché une hausse des prix. L’inflation annuelle au Royaume-Uni sera de 9 %, le taux le plus élevé depuis quarante ans. Les prix de l’essence ont battu tous les records et le coût du panier énergétique annuel d’ici octobre augmentera de 700 à 800 livres. À la suite de la guerre, les économies occidentales ont connu une période de croissance lente, voire de déclin, accompagné d’une forte inflation, c’est-à-dire qu’il y a un retour à la stagflation des années 1970. »[34] Elliot conclut : « Le revers des sanctions signifie une explosion des prix du carburant et des denrées alimentaires pour le reste du monde, suscitant de plus en plus de craintes concernant une catastrophe humanitaire imminente. Ainsi, tôt ou tard, il nous faudra conclure un accord avec la Russie. »[35]

Peu de temps auparavant, Henry Kissinger, conseiller à la sécurité nationale et secrétaire d’État américain de 1969 à 1977, dont la carrière a été marquée par de nombreuses victoires diplomatiques, s’était exprimé au Forum de Davos le 24 mai, appelant à une conclusion rapide de la paix avec la Russie, même au prix de la cession de territoires ukrainiens. A cette occasion, Kissinger mit en garde les États-Unis et l’Occident contre la recherche d’une victoire écrasante sur la Russie, car cela risquerait de saper la stabilité en Europe à long terme. Il a encouragé l’Occident à contraindre l’Ukraine à des négociations sur la base du statu quo ante, c’est-à-dire à la condition que Kiev renonce à la Crimée et au Donbass. Le diplomate et universitaire de 98 ans a déclaré: «Les négociations devraient commencer dans les deux prochains mois, avant que la guerre ne crée de graves difficultés et des bouleversements difficiles à surmonter. Dans l’idéal, un accord devra être trouvé sur la base du statu quo ante. »[36]

Néanmoins, on peut douter que les cercles dirigeants américains et les politiciens européens qui leur sont aveuglément soumis entendent la voix de la raison. Tous sont persuadés de disposer de ressources illimitées, d’avoir les moyens de mener une guerre d’usure et que l’économie et la machine d’État russes s’effondreront en premier. Bien sûr, le régime de Zelensky se déclarera vainqueur, quand bien même il ne lui resterait sous son contrôle que trois ou quatre régions d’Ukraine. Les États-Unis, cependant, sont conscients qu’après la défaite humiliante qu’ils ont subie en Afghanistan, un deuxième échec en Ukraine impliquerait une perte rapide de l’influence américaine dans le monde. C’est pourquoi leur politique hostile envers la Russie reste à l’ordre du jour. À cet égard, la guerre de l’information contre la Fédération de Russie ne fera que s’intensifier.

Il est ainsi possible d’entrevoir plusieurs grandes orientations de la politique américaine à court et moyen terme. Premièrement, si au premier stade du conflit les médias occidentaux soulignaient que la Russie était l’ennemie de l’Ukraine et du monde des démocraties occidentales, on entend maintenant de plus en plus l’argument accusant la Russie d’être l’ennemie de l’humanité, provoquant une crise énergétique et alimentaire. En février-mars 2022, l’Occident a voulu organiser un blocus international complet de la Russie, en vain. La plupart des États du monde n’ont pas soutenu les sanctions américaines. La Chine et l’Inde élargissent leur coopération économique avec la Fédération de Russie. La Turquie, alliée officielle dans le cadre de l’OTAN, a ouvertement refusé de se joindre aux sanctions. Il en va de même pour la grande majorité des États arabes, comme l’ont démontré tant l’Arabie saoudite que les Émirats arabes unis, qui ont refusé d’augmenter le niveau de production de pétrole, malgré les demandes répétées de Washington. Le Brésil, malgré l’image pro-américaine du président Jair Bolsonaro, a annoncé qu’il n’imposerait aucune sanction contre la Russie. De plus, Bolsonaro a effectué une visite officielle à Moscou après le début de l’opération spéciale. La position du Brésil est partagée par d’autres pays d’Amérique latine ainsi que par la majorité des États africains qui se sont opposés au vote de l’ONU sur l’exclusion de la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme. Désormais, les États-Unis et l’UE n’auront de cesse de persuader ces États de rejoindre le front antirusse.

Deuxièmement, la diffamation de l’armée russe se poursuivra, sur la base des mêmes accusations de violence et de cruauté. Les victoires militaires des armes russes s’accompagneront inévitablement d’énormes pertes parmi les unités des Forces armées ukrainienne, a fortiori si celles-ci refusent de se rendre. A Marioupol par exemple, seules 2 500 personnes sur un groupe de 15000 ont été faites prisonnières. Le président Zelensky ne manquera pas alors de crier au génocide du peuple ukrainien.

Troisièmement, les médias américains et européens continueront d’exagérer la gravité des difficultés économiques rencontrées par la Russie et de prédire son effondrement économique. Au lieu des soulèvements populaires de masse qu’ils appellent de leurs vœux, le peuple russe deviendra encore plus soudé ; pour preuve, les sondages d’opinion indiquent que la popularité du président Poutine est montée à 85-86 %. Par conséquent, la propagande occidentale visera non pas à alimenter une révolution – qu’elle soit violente ou de velours –  mais à organiser un sabotage capable de saper le système. Pour ce faire, elle adressera des messages à l’appareil administratif russe et aux cadres supérieurs des grandes entreprises publiques les encourageant à quitter leur poste et à choisir l’émigration.

Quatrièmement, les médias de masse occidentaux seront à l’affut de tous les signes réels et imaginaires de clivages dans la société russe et parmi ses élites. Ils parleront de « complot du Kremlin », du mécontentement des oligarques russes à l’égard du président Poutine, d’une possible révolution de palais. La propagande visera à attiser les antagonismes ethniques et religieux, de sorte à détruire l’unité du peuple russe. Ces provocations seront menées non seulement dans le cadre de la Fédération de Russie, mais également au sein des unités militaires russes stationnées en Ukraine. De semblables affrontements ont eu lieu en avril dans la région de Kherson ; suite à une rumeur, une unité militaire composée recrues originaires de Bouriatie a échangé des tirs avec une unité spéciale tchétchène. A l’avenir, il est à craindre que ce genre d’incidents soit suscité et se reproduise.

Pour finir, cinquièmement, les médias occidentaux développeront un récit sur la « résistance à l’occupation russe » dans les territoires ukrainiens rattachés à la Russie. Or il est peu probable que l’on constate une activité insurrectionnelle notable dans ces territoires. Gardons à l’esprit que l’Ukraine va connaître un hiver très rigoureux et que les conditions de vie dans les territoires nouvellement russes soient meilleures que dans les territoires ukrainiens en raison des ressources mises à leur disposition par Moscou. Ainsi, le mythe du « maquis ukrainien » ne restera qu’un vœu pieu, que les médias occidentaux ne se priveront pas de gonfler ni de colporter.


[1] https://www.rbc.ru/politics/27/02/2022/621bafbe9a79470c986fe87a?ysclid=l46slurbez318434628

[2] La Lituanie cessera la diffusion de 80 chaînes russes, RIA Novosti //  В Латвии прекратят вещание 80 российских телеканалов – РИА Новости, 06.06.2022 (ria.ru), 06.06.2022 (ria.ru)

[3] La chaîne Dojd a reçu l’autorisation d’émettre en Lettonie // Телеканал «Дождь» получил разрешение на вещание в Латвии — РБК (rbc.ru), 6 juin 2022.

[4] Heidi Legg of Harvard University’s Future of Media project examines who owns the news in the US // https://pressgazette.co.uk/who-owns-us-news, 12 mai 2021.

[5] Heidi Legg, Ibid.

[6] Heidi Legg, Ibid.

[7] Ponsford D. Four men own Britain’s news media. Is that a problem for democracy? // https://www.newstatesman.com/business/2021/02/four-men-own-britain-s-news-media-problem-democracy, 12 février 2021.

[8] Ponsford, Ibid.

[9] Ponsford, Ibid.

[10] Oborne P. Boris Johnson: The billionaires’ useful idiot // https://www.middleeasteye.net/opinion/uk-boris-johnson-confidence-vote-billionaires-useful-idiot, 7 juin 2022.

[11] Escobar P. Why Europe is afraid of the New Silk Road.// https://asiatimes.com/2018/04/why-europe-is-afraid-of-the-new-silk-roads/, 25 avril 2018.

[12] Cornelos M. Is Europe sleepwalking toward the abyss in Ukraine? // https://www.middleeasteye.net/opinion/russia-ukraine-war-europe-power-decline, 13 avril 2022.

[13] Goldman D. Biden throws Putin in the Xi’s briar patch.// https://asiatimes.com/2022/02/biden-throws-putin-into-xis-briar-patch/, 24 février 2022.

[14] Ignatius D. Why I’m sad to be on all-purpose Russian payback list // Opinion | David Ignatius: Russia’s travel ban list saddened me — and not just because I’m on it – The Washington Post, 24 mai 2022.

[15] Ignatius D. Russia’s assault on Ukraine is entwined with a religious war // Opinion | Patriarch Kirill, leader of the Russian Orthodox Church, has been Putin’s ally in the Ukraine invasion – The Washington Post, 5 mai 2022.

[16] Ignatius, Ibid.

[17] Le schisme et la profession : tout le drame de la religion orthodoxe en Ukraine // https://spzh.news/ru/zashhita-very/67194-drama-ukrainskogo-raskola-polnaja-versija, 19 décembre 2019.

[18] Zeïev V., L’organisation canonique des paroisses locales orthodoxes // Конспект по истории Поместных Православных Церквей – Православная электронная библиотека читать скачать бесплатно (pravmir.ru)

[19] Analyse d’experts. Les liens du Patriarcat de Constantinople et de la CIA // Константинопольский патриарх связан с Госдепом США и ЦРУ – эксперты (tsargrad.tv), Novosti 24, 16 octobre 2018.

[20] Walsh D., Hopkins V. Russia seeks buyers for plundered Ukrainian grain, US warns // The New York Times Russia Seeks Buyers for Plundered Ukraine Grain, U.S. Warns – The New York Times (nytimes.com), 5 juin 2022.

[21] Kritchevski N., Des chiffres effrayants ont été révélés au sujet des exportations de grains en Ukraine. Mais c’est encore la faute de la Russie // https://www.mk.ru/economics/2022/05/24/vskrylis-uzhasayushhie-cifry-ob-eksporte-zerna-s-ukrainy.html, 24 mai 2022.

[22] Kritchevski, Ibid.

[23] Guerre en Ukraine: la Russie suspend sa participation à l’accord sur les exportations de céréales, https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-la-russie-suspend-sa-participation-a-l-accord-sur-les-exportations-de-cereales-20221029, Le Figaro, 29 octobre 2022.

[24] Slovak president calls on Russian troops to “end this terrible war // https://spectator.sme.sk/c/22895259/slovak-president-calls-on-russian-troops-to-end-this-terrible-war.html, 27 avril 2022.

[25] Morris L. She was raped in Ukraine. How many others have love stories like her? // She was raped in Ukraine. How many others have stories like hers? – The Washington Post, 8 juin 2022.

[26] Les affabulations de Denissova. La médiatrice a été limogée à Kiev suite à ses rapports sur  des «viols de masses » // https://aif.ru/politics/world/fantazii_denisovoy_ombudsmena_v_kieve_uvolili_za_massovye_iznasilovaniya?ysclid=l4e5d7bw1b, 1er juin 2022.

[27] Ukrainische Mütter marschieren heute in Zürich.// https://www.blick.ch/schweiz/zuerich/fuer-ihre-kinder-ihre-heimat-und-gegen-den-krieg-ukrainische-muetter-marschieren-heute-in-zuerich-id17536449.html, 30 mai 2022.

[28] Elle mentait pour l’Ukraine : l’ex-médiatrice Denissova a tout avoué, mais des questions demeurent // https://www.eg.ru/politics/2282902-mojet-ya-pereborshchila-eks-ombudsmen-ukrainy-denisova-priznalas-chto-sochinyala-feyki-o-zverstvah-rossiyskoy-armii/, Express Gazeta, 8 juin 2022

[29] Une vidéo mise en scène de toute pièce : un habitant de Maripoupol parle du tournage d’un reportage sur les conséquences du bombardement de la maternité locale // https://ria.ru/20220317/feyk-1778756507.html, Ria Novosti, 17 mars 2022.

[30] Santora M., Cohen R. Momentum in Ukraine Is Shifting in Russia’s Favor // https://www.nytimes.com/2022/06/11/world/europe/russia-momentum-ukraine.html, New York Times, 11 juin 2022.

[31] Corrado Z., Ucraina, la denuncia degli orrori de Kherson, https://www.repubblica.it/esteri/2022/06/07/news/la_denuncia_degli_orrori_di_kherson_nelle_camere_di_tortura_600_civili-352924512/, La Repubblica, 7 juin 2022.

[32] Thebault R. Cholera fears prompt quarantine in Mariupol, official says // https://www.washingtonpost.com/world/2022/06/06/mariupol-cholera-quarantine/, The Washington Post, 6 Juin 2022.

[33] Stépanova Y. La fraude invisible // Фрод без флангов – Бизнес – Коммерсантъ (kommersant.ru), Kommersant, 25 février 2022.

[34] Elliott L., Russia is winning the economic war – and Putin is no closer to withdrawing troops // https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/jun/02/russia-economic-war-ukraine-food-fuel-price-vladimir-putin, The Guardian, 2 juin 2022.

[35] Elliott, Ibid.

[36] Henry Kissinger: Ukraine must give Russia territory // https://www.telegraph.co.uk/business/2022/05/23/henry-kissinger-warns-against-defeat-russia-western-unity-sanctions/, The Telegraph, 23 mai 2022.





Source

RESIST CAEN
Author: RESIST CAEN

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