Source : les-crises.fr – 29 juillet 2024 – Mike Ludwig
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« Ils nous empêchent de rester là, ils rendent notre existence misérable », a déclaré Issa Amro, un militant palestinien.
Après avoir travaillé en coulisses pendant des mois, les membres de la coalition d’extrême droite qui soutient le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’apprêtent à confier le contrôle de la Cisjordanie à des autorités civiles proches des colons israéliens, dont certains sont convaincus qu’ils ont un droit divin de terroriser et déloger leurs voisins palestiniens.
La Cisjordanie qui compte 3 millions de Palestiniens vivant au milieu d’un maillage de postes de contrôle, de barrages routiers et de colonies illégales, est occupée par Israël depuis des décennies.
Nul n’ignore que Bezalel Smotrich, colon extrémiste et ministre influent du gouvernement Netanyahou, orchestre l’annexion de facto de la Cisjordanie. Cela permettra l’expansion des avant-postes paramilitaires et des colonies de peuplement exclusivement juives, que même les alliés des États-Unis considèrent comme illégales au regard du droit international.
À l’instar des résidents palestiniens de Cisjordanie, Haaretz avertit que le plan de Smotrich a reçu la bénédiction de Netanyahou et qu’il est en cours « à l’heure actuelle ». Ce que semblait confirmer Smotrich dimanche, après la publication des détails de son projet visant à renforcer le contrôle exercé par le mouvement des colons israéliens sur la Cisjordanie, par le transfert des principaux pouvoirs de l’armée à des administrateurs civils.
« Tout est à portée de main », a déclaré Smotrich sur les réseaux sociaux.
Smotrich, un radical de toujours qui vit dans une colonie illégale, a récemment été enregistré alors qu’il disait à ses partisans : « Ma mission dans la vie est de contrecarrer toute tentative de création d’un État palestinien. » Dans un discours prononcé lors d’une conférence interne du Parti du sionisme religieux au début de ce mois, Smotrich a expliqué qu’un « système civil autonome » était en train d’être mis en place pour administrer la Cisjordanie, tandis que, sur le papier, l’armée israélienne reste en charge.
Smotrich dit tout haut ce que Netanyahou essaie de cacher à la face des États-Unis et du reste du monde.
« Dans le contexte politique et juridique, une telle mesure serait plus facile à avaler, ce qui éviterait aux gens de dire que nous sommes en train de procéder à une annexion », a déclaré Smotrich à ses partisans lors de son discours.
Ce plan donnera aux alliés politiques les moyens, grâce à des subventions gouvernementales, de stimuler les implantations de colonies, de démolir des quartiers palestiniens et de financer des avant-postes illégaux, selon l’analyse juridique de Peace Now, le groupe de défense des droits humains qui a rendu public un enregistrement de l’intervention de Smotrich.
La Cour suprême israélienne considère que la Cisjordanie se trouve sous occupation militaire provisoire et qu’elle fera l’objet de négociations futures avec les Palestiniens. Toutefois, Smotrich a esquissé un processus de transfert de la gouvernance entre l’armée israélienne et une administration civile relevant du ministère qu’il contrôle. Les détracteurs affirment que ce plan permettra aux colons de passer outre le gouvernement central et de légaliser les avant-postes israéliens dans les territoires contestés, tout en refusant aux Palestiniens tout accès à des autorisations cruciales et même à de l’eau potable.
« On ne se sent pas en sécurité et on n’a pas de vie sociale », a déclaré Issa Amro, militant à Hébron et fondateur de Youth Against Settlements, lors d’une interview. « Ils nous obligent à partir ; ils ne nous chassent pas directement de notre maison, mais ils nous empêchent d’y rester, ils nous rendent la vie insupportable. »
Selon certains rapports, les attaques meurtrières perpétrées par les colons visent souvent à effrayer les familles palestiniennes pour qu’elles quittent leurs maisons.
Peace Now, qui s’oppose aux colonies illégales et au déplacement des Palestiniens, a déclaré que Smotrich dit tout haut ce que Netanyahou essaie de cacher à la face des États-Unis et du reste du monde. Peace Now a qualifié le plan d’annexion de facto de Smotrich de « violation flagrante » du droit international, qui ne fera que renforcer un système violent et radicalement inégalitaire dans les 60 % du territoire de la Cisjordanie sous occupation israélienne directe.
« Depuis le début de la guerre, plus de deux douzaines de nouveaux avant-postes ont été implantés et un nombre similaire de communautés palestiniennes ont été déplacées de force », a déclaré le groupe dans un communiqué. « Cet acte illégal d’annexion montre clairement que deux systèmes juridiques sont désormais officiellement en jeu : [un] pour les Palestiniens et un autre pour les colons israéliens. »
Les défenseurs des droits des Palestiniens affirment que Smotrich est simplement en train de légiférer pour codifier les efforts déployés de longue date par le mouvement des colons pour étendre le territoire israélien en Palestine et déraciner les habitants autochtones en toute impunité. De nombreux groupes de défense des droits humains ont confirmé les conditions d’apartheid dans lesquelles les Palestiniens vivent sous occupation israélienne.
La semaine dernière, Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, a déclaré que la situation en Cisjordanie « est en train de se détériorer de façon dramatique », 528 Palestiniens ayant été tués par des soldats et des colons israéliens depuis octobre, dont deux adolescents américains et des dizaines d’enfants innocents. Selon les rapports, les attaques meurtrières des colons ont souvent pour but d’effrayer les familles palestiniennes pour qu’elles quittent leurs maisons.
Comme Smotrich et d’autres membres de la coalition de Netanyahou, les meneurs du mouvement des colons nomment ce territoire « Judée et Samarie » et affirment que leurs droits sur ces terres sont ancrés dans les enseignements bibliques. Amro a déclaré que Smotrich avait conclu un accord avec Netanyahou prévoyant l’annexion de la Cisjordanie dans le cadre de la coalition gouvernementale de 2023 qui permettait au premier ministre de rester en fonction.
La question est maintenant de savoir ce que l’administration Biden fera, le cas échéant, en réaction à l’annexion de facto de la Cisjordanie.
« Un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir et nous avons assisté à une recrudescence de la violence des colons, de l’expansion des colonies et de la brutalité de l’armée », a déclaré Amro, militant non violent connu sous le nom de « Gandhi palestinien », qui a été harcelé, menacé et détenu par des soldats et des colons israéliens. « Malheureusement, le 7 octobre est arrivé et Smotrich en a profité pour accélérer l’annexion de la Cisjordanie. »
Pour les Palestiniens vivant sous occupation militaire, même de petits actes de contestation peuvent entraîner des peines de prison et des descentes de troupes militaires israéliennes dans les maisons. Des milliers de Palestiniens sont arbitrairement incarcérés dans les prisons israéliennes en vertu d’ordres vagues émis à n’importe quel moment par des juge militaires, et on estime que cela concerne entre autres quelque 240 enfants de la seule Cisjordanie. Selon Amro, la liberté de circulation est extrêmement limitée depuis le 7 octobre, les points de contrôle militaires et les routes principales n’étant accessibles qu’aux seuls colons.
Les tensions se traduisent régulièrement par des violences, mais les colons peuvent compter sur la puissance de l’armée israélienne. Depuis le 7 octobre, les forces israéliennes et les colons ont déclenché une campagne de violence sans précédent contre les Palestiniens de Cisjordanie, selon B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits humains dans les territoires occupés.
« Pour être tout à fait honnête, cela marche très bien : beaucoup de gens partent », a déclaré Amro.
La Cisjordanie reste une source essentielle de divergence entre les États-Unis et Israël, les États-Unis affirmant que l’expansion des colonies illégales affaiblit encore davantage la position internationale d’Israël et constitue un obstacle aux pourparlers de paix, alors que les combats avec le Hezbollah à la frontière jordanienne se poursuivent et que la crise qui ensanglante à Gaza s’éternise.
La question est maintenant de savoir ce que l’administration Biden fera, le cas échéant, en réaction à l’annexion de facto de la Cisjordanie.
Les États-Unis ont imposé des sanctions financières visant des colons violents ainsi qu’un groupe de défense palestinien armé à Naplouse, mais les rapports semblent indiquer que les sanctions n’ont fait que conforter les colons sous le leadership de Smotrich. Les États-Unis ont également sanctionné récemment un groupe militant israélien ayant attaqué des convois d’aide humanitaire à destination de Gaza, où les civils sont en proie à la famine et sont sans abri et où plus de 37 000 personnes sont mortes en raison du siège imposé par Israël.
Les tensions entre la Maison Blanche et Israël ont atteint un point de rupture la semaine dernière lorsque Netanyahou a pris de court les responsables américains en fulminant contre les « goulots d’étranglement » qui entravent les livraisons d’armes américaines à Israël. Pour éviter d’être poursuivi pour corruption, le premier ministre dépend de l’extrême droite grâce à laquelle il se maintient au pouvoir mais il pourrait aussi se faire piéger politiquement par ses alliés, dont la liste est de plus en plus réduite.
Le président Joe Biden se prépare à un débat avec Donald Trump jeudi, et la Maison Blanche a peu parlé de la Palestine cette semaine.